Ces possibilités technologiques peuvent fasciner autant qu’elles peuvent être source de perplexité, voire d’angoisse. Mais elles peuvent surprendre aussi par les nouvelles origines qu’elles rendent désormais possibles et qu’il s’agit d’ac- compagner en composant avec un monde qui s’invente parfois plus vite que notre capacité à le suivre.
C’est sur ce thème que s’est exprimé à Sion, en Valais, en septembre 2018, François Ansermet, professeur honoraire à l’Université de Genève (UNIGE) et à l’Université de Lausanne (UNIL), après avoir été d’abord professeur ordinaire de pédopsychiatrie, vice-doyen de la Faculté de biologie et médecine à l’UNIL, médecin-chef au Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), puis professeur ordinaire de pédopsychiatrie à l’UNIGE et, sur le plan hospitalier, chef du Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), ainsi que directeur du Département universitaire de psychiatrie à la Faculté
de médecine de l’UNIGE. Il faut ajouter à ce palmarès que François Ansermet est membre du Comité consultatif national d’éthique, à Paris, depuis 2013.
Pour François Ansermet les droits de l’en- fant sont aujourd’hui au centre des préoccupations de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. L’enfance construit le monde de demain. Mais sera-t-il possible d’être enfant demain dans le monde tel qu’il est en train d’évoluer ? C’est la grande question que pose le professeur. Le mariage pour tous, dans un certain nombre de pays par exemple, a débouché sur la question de la procréation pour tous qui soulève d’importantes résistances, tout comme les problématiques de la génomique et de l’intelligence artificielle.
"L’enfance construit le monde de demain. Mais sera-t-il possible d’être enfant demain dans le monde tel qu’il est en train d’évoluer ?"
Tous ces thèmes, a fait remarquer le professeur Ansermet, font l’objet de prises de position collectives, y compris de la part des milieux religieux. Le curseur du symbolique court plus vite que nous, ce qui pour autant ne doit pas être interprété comme une crise. Les résistances face au nouveau sont compréhensibles et il faut reconnaître que ce nouveau existe et que l’enfance nous regarde.
Les biotechnologies impliquent de nouveaux modes de procréation. Il s’agit de créer de la vie dans un monde qui crée aussi de la mort – par des guerres, des crimes, des racismes. Il ne faut donc pas tomber dans le catastrophisme, a mis en garde le professeur Ansermet qui a rappelé l’importance des mythes et des religions qui de tout temps ont thématisé sur la création de la vie. Bien avant les procréations médicalement assistées il y a eu des procréations divinement assistées, bien au-delà du biologique. Dans « La Légende dorée » de Jacques de Voragine, à l’époque de la Renaissance – un ouvrage qui a porté l’inspiration des peintres du quattrocento – il est dit que Dieu peut créer l’homme de quatre façons: sans l’homme ni la femme, comme il le fit pour Adam; par l’homme sans la femme, comme il le fit pour Ève; par la femme sans l’homme, comme cela s’est produit miraculeusement suite à l’Annonciation à la Vierge Marie, qui est d’abord la fête de l’Incarnation puisque Dieu commence en Marie sa vie humaine qui conduira Jésus jusqu’à la Croix et la Résurrection, jusqu’à la Gloire de Dieu – voir « La Divine comédie » de Dante: « Ô Vierge mère, fille de ton fils ». Avec les biotechnologies, a souligné le professeur Ansermet, nous sommes bien en deçà de ce que l’imagination des humains a pu construire sur le mystère de l’origine, sur le mystère de venir au monde. Enfin, le quatrième mode de création de l’homme évoqué dans « La Légende dorée » est « par l’homme et la femme selon la manière commune ». Au nombre des mythes ayant pour sujet la création de la vie, on peut citer Athéna sor- tant, toute armée, de la tête de Jupiter et Dionysos né deux fois, du ventre de Sémélé et de la cuisse de Jupiter.
Le monde de la procréation change plus vite que notre capacité à le suivre, a fait observer François Ansermet. Que sont donc ces biotechnologies qui bouleversent nos esprits ? Il est vrai que ces biotechnologies et leurs impacts font l’objet, à raison, d’une certaine perplexité de la part du public. Loin de la vision romantique de la science dont les avancées permettent la conception et la mise en œuvre de nouveaux traitements médicaux, il convient de s’interroger aujourd’hui sur ces technologies de la procréation qui opèrent sur le monde sans que nous sachions exactement de quoi il en retourne. Il peut être en effet extrêmement inquiétant de penser qu’on dispose de techniques opérant sur la réalité et dans le même temps ignorer quel produit en sortira. Ces démarches technologiques peuvent conduire à du non-savoir. En résulte un monde fabriqué, inventé, inédit dont ne nous savons pas ce qu’il est. Raison pour laquelle les questions issues des découvertes technologiques actuelles sont de plus en plus traitées au sein de comités d’éthique, véritables observatoires de la perplexité et de l’angoisse contemporaines, soit des observatoires de ce que nous ne pouvons représenter.
Pour François Ansermet, face à l’irreprésentable, face à ce qui laisse perplexe et angoisse, deux types de réaction sont possibles. D’un côté les techno-prophètes annoncent un monde nouveau dans lequel il sera possible de procréer même si l’on est infertile et de sélectionner des enfants qui ne souffriront pas de maladies. Ceux-ci nous promettent un monde meilleur. De l’autre se trouvent les bio-catastrophistes qui font valoir que si l’on touche à la nature, on touche à la loi, avec l’idée d’une superposition de la loi naturelle et de la loi morale. Il y aurait ainsi transgression de la nature au moyen de ces technologies. Pour le clinicien, l’enjeu est bien d’être à la hauteur du temps que nous vivons. Il convient, selon lui, de ne pas se laisser enfermer dans une tentation conservatrice et de ne pas maudire son époque. Il faut délibérément regarder vers l’avenir plutôt que s’accrocher au passé. D’une part ne pas craindre l’incertitude et d’autre part ne pas succomber à la tyrannie du passé. Et arriver à se situer dans ces deux dimensions.
Les nouveaux modes de procréation médicalement assistée du type de la fécondation in vitro, de l’injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes, de la conservation d’ovocytes, du diagnostic pré-implantatoire et pré-conceptionnel, de la procréation posthume et autres sur- prennent, étonnent, dérangent, bousculent et produisent un vertige. Pour François An- sermet, un vertige qui angoisse et attire à la fois, un vertige source de fascination. Les médias ne se privent pas d’ailleurs de nous raconter par le menu des cas de procréation assistée totalement ahurissants. Rien d’étonnant à cela puisqu’ils titillent une corde qui nous est à tous particulièrement sensible, celle de notre origine qui va de pair avec la Sexualité avec un grand S – le grand mot qui émoustille est lâché.
"Et c’est bien la question que posent tous les enfants: pourquoi suis-je moi et pas quelqu’un d’autre ?"
D’où vient ce vertige, ou plutôt ces vertiges ? Car pour François Ansermet, il y en a trois: le vertige de l’origine, le vertige de la différence des sexes dans la procréa- tion et celui de la prédiction. À propos du premier, le vertige de l’origine, le professeur Ansermet tient à rappeler que le monde
de l’origine, symbolique et imaginaire, est différent du monde de la sexualité. Or le problème réside dans le fait que nous vivons dans une ère de paradigmes très biologiques et que nous avons tendance à penser que origine est égal à sexualité, que procréation est égal à gestation, que naissance est égal à filiation alors que tous ces mondes sont disjoints. Le plus irreprésentable de cette série est certainement la procréation. Quand se produit-elle ? Quel est son moment M ? Quand la vie est-elle créée ? Même les biologistes travaillant dans des centres de procréation médicalement assistée sont très hésitants sur la question de l’émergence de la vie, à savoir lorsque des cellules se combinent puis viennent à se multiplier. D’où vient cette étincelle ? Pour François Ansermet, la question fondamentale sur laquelle tout le monde bute, y compris les biologistes et les médecins de la reproduction, est la suivante: d’où viennent les enfants ? Freud jugeait que c’était la question impossible par excellence. Et c’est bien la question que posent tous les enfants: pourquoi suis-je moi et pas quelqu’un d’autre ? Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? François Ansermet s’est plu à citer l’histoire d’une petite fille de 8 ans dont la mère est enceinte. Au petit-déjeuner la mère fait une tartine au miel pour sa fille. Celle-ci regarde le ventre de sa mère et lui demande qu’est-ce que c’est que « ça ». La mère lui répond qu’elle attend un nouvel enfant. « D’où vient cet enfant ? » demande la petite. La mère tente une explication: le papa et la maman, le baiser, la petite graine. « Quand tu vois ce miel sur cette tartine, pense aux abeilles, aux fleurs, au pollen... » La petite fille coupe alors sa maman: « Arrête avec ces explications complètement nulles. À l’école on a déjà eu des cours d’éducation sexuelle, on sait exactement de quoi il s’agit. Je ne te demande pas quelle position tu as adoptée avec papa pour avoir ce nouvel enfant. »
La mère transpire, les gouttes de sueur tombent sur la tartine de miel. « Qu’est-ce que tu veux savoir finalement », s’énerve
la mère. Et la petite fille de répondre très fermement: « Avant d’être dans ton ventre, où est-ce que j’étais ? » Pour le professeur Ansermet, la beauté de cette question est un émerveillement: « C’est comme pour un mort, on dit que son corps est en terre, son âme est au ciel; les enfants disent: OK. Mais moi quand je serai mort, quand mon corps sera en terre, quand mon âme sera au ciel, moi, où est-ce que je serai ? »
Pour François Ansermet, le problème majeur posé par les technologies de la procréation médicalement assistée est qu’elles sont sources de disjonctions. On sépare la sexualité de la procréation, la procréation de la gestation, la gestation de la naissance - on peut passer par une gestation pour autrui avec une mère porteuse - on sépare enfin l’origine de la filiation - par dons de sperme, d’ovules, d’embryons, des doubles dons et, faut-il encore ajouter, créer une disjonction temporaire par la conservation des gamètes. Depuis les congélateurs des centres de reproduction et des maternités, tous ces embryons congelés nous regardent et se demandent ce que l’on va faire d’eux.
"Mais quand on voit courir un enfant provenant d’un congélateur, on ne peut s’empêcher de penser à tous les embryons surnuméraires."
Va-t-on les détruire, les conserver, les implanter ? Il y a aux États-Unis, a rappelé le professeur Ansermet, des associations, les « snow flakes » (flocons de neige), qui proposent à l’adoption des embryons congelés, faisant valoir leur droit à être utilisés une fois qu’ils ont été conçus. Mais quand on voit courir un enfant provenant d’un congélateur, on ne peut s’empêcher de penser à tous les embryons surnuméraires. Que vont-ils devenir ?
De même, pouvoir conserver les ovocytes implique l’idée qu’ils puissent être conservés plusieurs années avant d’être réimplantés une ou deux décennies plus tard, une fois achevée la brillante carrière professionnelle de leur « propriétaire ». Des disjonctions encore plus importantes vont apparaître, selon le professeur Ansermet, promises par l’intelligence artificielle et le transhumanisme, les cyborgs et robots, laissant entrevoir un re- tour à Pygmalion et Galatée: Pygmalion dit à Galatée: « Toi c’est moi, tout mon moi est en toi, je ne vis plus désormais qu’en toi. » Le transhumanisme met en évidence la difficile question des droits et des devoirs des robots. Voyons Sophia, le robot humanoïde mis au point par Hanson Robotics, conçu pour tout apprendre en s’habituant au comportement des êtres humains. Sophia est capable de répondre aux questions et a même été reçu à l’ONU. En octobre 2017, le robot a obtenu la nationalité saoudienne, faisant de lui le premier androïde au monde à recevoir la citoyenneté d'un pays.
En fin de compte, pour François Ansermet, les technologies de la procréation dévoilent un impossible à penser qui est source d’une angoisse éthique. Pensons par exemple à la procréation dans les couples de femmes, qui institutionnalise la fabrication d’un enfant sans père. Mais qu’est-ce qu’un père ? Un géniteur, un père au sens de la loi, un père d’intention, une simple figure masculine ? Et quel est le rôle de la différence des sexes dans le développement de l’enfant ? La gestation pour autrui rend la mère incertaine, a souligné le professeur Ansermet. Il y a celle qui a donné l’ovule et celle qui a donné le ventre. Et certains couples de femmes croisent le ventre et l’ovule. Dans le monde juridique, l’enfant appartient à la mère du ventre de laquelle il est sorti. Dans le monde génétique on a tendance à dire que ce sont les gamètes. L’irreprésentabilité de l’origine, l’irreprésentabilité du lien entre sexualité et procréation, l’irreprésentabilité de la mort dans la procréation donnent le vertige. Platon dans « Le banquet » fait parler Socrate qui rapporte les propos de Diotime que l’on peut résumer ainsi: la procréation vise la part d’immortel dans le vivant mortel. Vivre au-delà de soi par le fait de procréer.
Pour François Ansermet, ce que nous n’arrivons pas à penser est bouché par des constructions fantasmatiques, imaginaires. Mais le fantasme protège de l’angoisse autant qu’il le génère. Le fantasme permet d’imaginer de nouvelles biotechnologies qui vont introduire de nouveaux scénarios imaginaires. Effectivement ces biotechnologies viennent modifier la réalité. Il y a donc une spirale qui se crée entre biotechnologies, angoisse et réalité et cela ne peut que nous perturber. Ceci constitue une préoccupation majeure pour le clinicien, le pédopsychiatre qui se trouve face à ces tableaux. Il ne doit pas laisser voguer son imaginaire trop loin et plutôt se fier, au cas par cas, à ce que disent les sujets.
L’artiste Prune Nourry a créé à Genève un Dîner procréatif auquel François Ansermet a pris part. Les Dîners procréatifs sont des performances associant art, gastronomie et science. Prune Nourry s’associe à un chef et à un scientifique pour concevoir un repas qui suit les différentes étapes de la procréation assistée, faisant de la fécondation in vitro un cocktail et du choix du sexe de l’enfant un plat principal, invitant ainsi les participants à réfléchir au concept de « l'enfant à la carte ». Le Dîner procréatif soulève la problématique suivante: Les nouvelles techniques de procréation assistée nous mènent-elles vers une évolution artificielle de l’humain à travers la sélection ?
Au cours de ce dîner plutôt particulier (qui débute dans un sperme bar...), les convives reçoivent des embryons, l’un aveugle, l’autre trisomique, le troisième sourd, le quatrième porteur d’un risque d’Alzheimer, à choix. Tous ont donc des problèmes et l’idée est de mettre les participants face au vertige du choix prédictif.
D’où viennent les enfants ? À chacun son explication, à chacun sa représentation. Samuel Beckett dans « Fin de partie » fait dire à un fils devant son père: « Pourquoi tu m’as fait ? » « Je ne pouvais pas savoir », répond le père. « Quoi, qu’est-ce que tu ne pouvais pas savoir ? » « Je ne pouvais pas savoir que c’était toi ! » Pour François Ansermet, l’enfant est un chercheur de son origine.
D’où viennent les enfants ? Pour François Ansermet, fantasmatiquement, nous sommes tous issus d’une procréation médicalement assistée dans la mesure où, c’est d’ailleurs le paradoxe, certaines réactions affectives, en court-circuitant concrètement le sexe dans la procréation, révèlent la place de la sexualité dans celle-ci.
"Les marginaux de demain seront dès lors les hétérosexuels qui procréeront sans analyse du sperme, des risques génomiques et autres."
Vertige de la différence. Un sujet d’actualité, a rappelé le professeur Ansermet. Couples de femmes, femmes seules, couples d’hommes, hommes seuls, transgenres, asexuels, tout ce petit monde peut avoir des enfants. Et cela peut donner lieu dans les médias à des dessins humoristiques ainsi légendés : « Va vivre chez ta mère porteuse ! Retourne dans ton utérus de location ! Va habiter chez ton donneur de sperme ! Prends les clés de ton éprouvette et dégage ! »
Vertige de la prédiction. Le troisième vertige aux yeux de François Ansermet. Un vertige qui s’inscrit surtout dans le cadre de la problématique des droits de l’enfant avec un lien possible entre procréation et prédiction de ce que l’enfant va être. Prédire s’il sera porteur d’une maladie génétique monogénique, s’il sera porteur de gènes dominants ou récessifs, s’il sera sujet à des maladies polygéniques. Pour le professeur Ansermet, nous entrons dans un nouveau monde qui posera la question du droit des enfants à supporter le hasard de leur procréation.
François Ansermet souhaite nous rendre attentifs au paradoxe suivant: actuellement, ce sont les marginaux – couples de femmes, femmes seules, couples d’hommes, hommes seuls – qui demandent telle ou telle chose en matière de procréation en fonction de leurs choix sexuels. Or ces demandes impliquent une technologisation de la procréation et banalisent sa médicalisation. Les marginaux de demain seront dès lors les hétérosexuels qui procréeront sans analyse du sperme, des risques génomiques et autres. Une transformation importante est en cours en matière de demandes sociétales. Quid dans le futur du droit à l’incertitude, du droit à ne pas savoir ?
La problématique est complexe comme celle par exemple des screenings pré-conceptionnels. Les généticiens pour leur part se déclarent en faveur des dia- gnostics pré-conceptionnels dans la mesure où ils permettent de protéger les enfants de maladies terribles comme l’hémophilie ou la mucoviscidose. On peut comprendre leur logique mais en même temps on peut se demander quel serait le destin de Roméo et Juliette à l’ère de la génomique. Peut-être que sur les sites de rencontre du web figurera un jour une rubrique sur la génomique des individus comme on y trouve aujourd’hui différents paramètres comme la taille de l’individu, la couleur de ses yeux, son niveau d’études et son parcours professionnel. La dimension est majeure : choisir entre le droit de savoir et celui de ne pas savoir. Pour François Ansermet, le fait de prédire peut conduire à une stratification, une ségrégation. Or le système de santé actuel est fondé sur la solidarité et la réciprocité, qui tient à un non-savoir. Il existe un paradoxe de la prédiction qu’il convient de rappeler: toute prédiction dévoile aussi l’infini de ce qui ne peut être prédit.
Quel devenir ? Pour le professeur Ansermet, il y en a un au-delà de la prédiction, au-delà de la procréation, c’est évident. Il est donc important de rappeler la place du devenir, de ne pas ramener l’enfant à ses conditions de procréation. Le droit des enfants est d’être considérés comme des enfants, et de ne pas être considérés en fonction de leur mode de procréation. Il faut éviter de faire de l’origine un destin. Et œuvrer cliniquement, socialement, politiquement. Dans la clinique, la procréation médicalement assistée peut fonctionner comme un piège de la causalité, causalité à tout faire et qu’on imagine comme une continuité. Si l’on veut réfléchir à l’éthique de la procréation médicalement assistée par rapport aux trois vertiges, François Ansermet pense qu’il conviendrait de constituer des assises du déterminisme et de réfléchir au statut et aux conceptions que nous avons du déterminisme. Sommes-nous capables d’être les auteurs et les acteurs de notre propre devenir ? Comme le lui disait une patiente atteinte d’une maladie génétique: avoir un enfant, est-ce quelque chose qui continue ou est-ce quelque chose de nouveau qui commence ? Une question merveilleuse.
Il y a une logique de continuité déterministe avec la question génomique, a relevé François Ansermet. Au fond, peut-être devrions-nous passer à une logique de la réponse, c’est-à-dire faciliter dans le travail clinique la réponse du sujet, celle de l’enfant et celle de ses parents. Réponse va avec responsabilité. Et de sa position chaque sujet est responsable. C’est tout l’enjeu de la clinique, peut-être l’enjeu du droit des enfants, l’enjeu des entreprises humanistes, de l’ONU, de la Commission des droits de l’enfant. Pour François Ansermet, l’enjeu, c’est d’ouvrir l’avenir, permettre à l’enfant d’être l’auteur et l’acteur de son propre devenir.
Paul Valéry a écrit: « Qu’est-ce que vous faites aujourd’hui ? Je m’invente. » Pour le professeur Ansermet, il y a toujours de la place pour l’invention et c’est cette place qui doit être défendue tant par les cliniciens que par ceux qui s’occupent du droit des enfants.
AD MAJOREM DEI GLORIAM | Printemps 2019